DÉMARCHE
La peinture de Mylène Roy en est une de dialogue avec le temps. Elle se compose en lenteur et s’arrime avant tout aux imprévus et à la fluidité de la matière. Forme répétée et en filigrane des œuvres, le cercle et ses corolaires – ellipses, cernes, arcs – sont au cœur du travail de l’artiste. Tant dans les œuvres à petite échelle que dans celles de plus grandes dimensions, la forme circulaire génère des trames en effervescence qui inondent l’espace. Les images qui en découlent sont à la fois organiques et géographiques. Elles mettent alors le regard en doute.
L’artiste travaille principalement par principes d’addition et de dilution. Elle asperge d’abord sa surface d’acrylique et d’eau, s’adonnant parfois à des jeux plus risqués avec des substances non-orthodoxes telle que l’huile et le savon. Dans ces exercices de dispersion qu’elle effectue à plat, Roy humecte constamment le support pour mieux le faire sécher. Il en résulte un jeu de transparence où la peinture puise dans ce qui lui préexiste, révélant ainsi des motifs, pigments et boursoufflures. Malgré l’application minutieuse de la matière et la rigueur de la démarche, c’est l’accumulation de couleur et ses effets accidentels qui guident l’achèvement du travail. Cette méthode est certes risquée, mais elle est singulière; elle recueille les souhaits et les regrets de l’artiste.
Une fois exposées, les œuvres de Roy peuvent évoquer des vues en plongée, des territoires, ou des corps cellulaires. Néanmoins, la peintre ne souhaite pas orienter le regard vers une quelconque représentation et vise plutôt une perte de repères ou un chassé-croisé entre l’infiniment petit et le gigantesque. Cet effet est parfois marqué par un accrochage en diptyque où des « surfaces accouplées » dialoguent et ajoutent à la confusion de l’échelle. Ce brouillement nous rappelle que parfois, il n’est pas essentiel de savoir exactement où l’on se trouve.
Texte de Catherine Melançon